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Ce blog est un espace d’échanges, une fenêtre ouverte sur les activités et projets conduits en Lettres dans différentes classes : créer des passerelles entre les arts & les disciplines, pratiquer des démarches d'écriture individuelle ou collaborative, lire et réagir, mettre en valeur sa créativité...

Portrait d'une résistante déportée que nous avons rencontrée au LBA

Mme Chombart de Lauwe et Valentine Goby, auteure de Kinderzimmer
Mme Chombart de Lauwe et Valentine Goby, auteure de Kinderzimmer

A l'issue de notre rencontre avec Marie-José Chombart de Lauwe, nous avons choisi de réaliser un portrait la concernant, retraçant son parcours, de ses actes de Résistance à la déportation.

1ère partie : de la Résistance à l'arrestation

Marie-Jo Chombart de Lauwe, née en 1923, est étudiante en médecine à Rennes quand, en 1941, elle intègre le réseau Georges France 31. Dans ce cadre, elle s'occupe de la transmission des renseignements alliés. Elle a donc 18 ans quand sa vie va basculer.

Le 22 mai 1942, à cause d'une trahison d'un agent double, Marie-Jo est arrêtée avec de nombreux membres de son réseau. Elle est tout d'abord interrogée par la Gestapo à Rennes puis transférée à la prison d'Angers où elle restera deux mois, pour être ensuite enfermée à la prison de la Santé durant deux mois et demi. Dans cette structure, Marie-Jo est rattachée à la catégorie des NN ( qui veut dire en allemand : Nacht und Nebel, en français : « Nuit et Brouillard »), une catégorie jugée dangereuse pour le Reich et qui doit disparaître sans laisser de trace.

2ème partie : la vie au camp

A la fin du mois de Juillet 1942, Marie-Jo Chombart de Lauwe est déportée au camp de Ravensbrück qui se trouve à 80 km au nord de Berlin, et qui présente la particularité de ne compter que des femmes et enfants. Arrivée là-bas, on lui retire toute identité, elle devient alors un numéro, le n°21706 précisément. Comme toutes les femmes, elle doit porter un triangle cousu sur ses vêtements permettant d’identifier d’un simple coup d’oeil les « catégories » posées par le Reich, en fonction des « fautes » qui leur sont reprochées : Mme Chombart de Lauwe porte un triangles rouge.

Par la suite, les SS effectuent le « tri », c'est-à-dire qu'ils rasent les cheveux des femmes, les déshabillent, commencent à les humilier, à les violenter… Elles sont ensuite affectées à un bloc où se trouvent des lits superposés à 3 étages ; là, les femmes sont entassées à deux par lit.

A 3h30 du matin, les femmes sont levées pour effectuer l'Appel pendant des heures, elles doivent absolument rester debout, même dans le froid par -30°. Les seules femmes qui puissent s'asseoir sont celles qui ont subi des expériences par les médecins du camp; par exemple, certaines se retrouvent avec des plaies béantes, mais elles sont bien vite conduite à la mort. Les plus « valides », elles sont envoyées au travail, postées sur des routes, dans des carrières de sable ou bien chez Siemens, comme Maire-Jo. Chombart de Lauwe.

A 12h00, on leur distribue une soupe très claire, peu nutritive . Elles travaillent jusqu'à 12 heures par jour, par tous les temps, quelles que soient les circonstances.

Dans le cas où elles ne veulent ou ne peuvent pas travailler, elles sont battues par les SS ou par les représentantes du bloc.

Vers 21h00, les déportées rentrent à leur baraquement et mangent de la soupe, du pain et du saucisson ; ces parts deviennent de plus en plus réduites au fur et à mesure de leur captivité : leur affaiblissement, pour ne pas dire leur mort lente, est planifié…

Au camp, les règles deviennent de plus en plus sévères : dans la plupart des cas, les femmes qui n'arrivent plus à avancer sont fusillées sur place. Par exemple, Mme Chombart de Lauwe nous a révélé que lors d'une rénovation de chemin de fer, plusieurs femmes avaient été fusillées.

Au bout de quelques mois d’enfer absolu, Marie-Jo, qui est fille d'une sage femme et d'un pédiatre, est appelée par les SS pour s'occuper des nouveaux-nés dans le bloc 11, dans le Revier où se situe la Kinderzimmer. Lorsqu'elle s'y rend pour la première fois, elle nous a dit y avoir découvert l'horreur : les nourrissons ont les visages creusés, ils sont maigres… Mais une entraide se forme entre les mamans, des opérations sont menées à l'intérieur du camp, la survie s'organise : certaines volent les gants du docteur pour en faire des tétines, d'autres récupèrent clandestinement le peu de nourriture qui circule. Les femmes, ayant perdu leurs enfants, viennent à la Kinderzimmer pour nourrir les enfants encore vivants, pour leur donner une chance de vivre plus longtemps. Marie-Jo doit remplir des fiches avec le n° de la mère, son nom, sa nationalité, le motif de son arrestation et le n° de l'enfant. Quand un enfant décède, elle les emmène dans une sorte de cave où des cadavres sont entassés, certains morts en criant, la bouche et les yeux ouverts.

580 nourrissons sont nés là-bas, de nationalités complètement différentes ; à la fin de cette horreur, seulement 40 bébés survivront dont 3 français.

Et puis l’espoir renaît : les troupes allemandes perdent du terrain, les alliés mettent en place des opération qui les affaiblissent : la fin de la guerre approche et l’information circule dans le camp… mais la cruauté des SS est sans limites : pour réduire toutes preuves accablantes de ce qui s’est déroulé dans le camp, ils installent deux chambres à gaz pour éliminer les personnes les plus affaiblies, celles qui peuvent être des preuves de l'horreur qu'elles ont subie. Pour celles qui sont encore assez fortes pour travailler, elles sont envoyées, par un convoi spécial, à destination de l'Autriche, plus précisément au camp de Matausen, et très peu survivront.

Ce calvaire d’emprisonnement, de violence absolue prend fin lorsque la Croix Rouge arrive sur le camp, le 22 avril 1945.

3ème partie : la vie après le camp

Après ces 3 ans passés au camp, rien ne sera comme avant nous a révélé Mme Chombart de Lauwe. A son retour parmi les siens, personne ne souhaite vraiment entendre ses récits épouvantables. Peu à peu, elle réapprend à aimer les petites choses quotidiennes, à manger convenablement, à dormir sans avoir la peur de l'Appel. Pour extérioriser ses sentiments, elle décide d'écrire. Elle publie plusieurs livres au sujet des camps de concentration : « Toute une vie de résistance » publié en 2000, « Fondation pour la mémoire de la déportation » publié en 2004, « Résister toujours » publié en 2015. Par la suite, Marie-José continue de résister, notamment pendant la guerre d'Algérie où elle se révolte contre la torture. Plus tard, elle devient la présidente de l'amicale de Ravensbrück et depuis 1982, elle fait parie de la ligue des droits de l'homme où elle représente FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes). Et puis elle se déplace dans de nombreux établissements, comme le nôtre, pour faire connaître son histoire, et permettre aux jeunes générations de découvrir les terribles conséquences d'une idéologie totalitaire.

Article d'Emilia & Léa S.

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